Après des humanités artistiques à Bruxelles, j’ai eu la chance de peindre dans un atelier à Liège qui avait renoué avec les techniques de peinture à l’ancienne des primitifs flamands. 

Chaque panneau était choisi soigneusement, la construction de ce qui allait y prendre place étudiée, les symboles éventuels placés aux endroits justes. Je rentrais dans un tableau, retrouvant une écriture ancienne et mesurée, mais l’émotion ressentie, non qu’elle soit absente, trouvait sa place dans la rigueur et la répétition.

Ces années m’ont appris la méticulosité, la précision, la patience par ces applications successives de glacis pour créer le relief, la profondeur, en « montant » les blancs et sur lesquels viendra se déposer la couleur en toute fin de travail.

Et puis un jour, peut-être trop à l’étroit dans la réalisation de ces petits panneaux où le travail ressemble plus à du zazen qu’à de l’expression créative, j’ai osé utiliser des brosses plutôt que des pinceaux à 4 poils, j’ai réapprivoisé le mouvement spontané plutôt que le geste mesuré, j’ai mis la colère, la force, la joie, parfois la rage que je ressentais dans l’instant.  La méditation se fait à présent avant de toucher un pinceau, pour chercher et ressentir mon émotion ou celle que je souhaite traduire et le geste suit comme détaché du mental, un peu comme si la toile devenait la scène et ma main le danseur glissant ou retombant avec une trainée de couleur.

Tout se superpose sans s’effacer, comme les glacis, laissant les traces précédentes comme souvenirs lointains.